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  • Rencontre avec Johanna Mirabel

    Rencontre avec Johanna Mirabel

    Rencontre avec Johanna Mirabel

    Pouvez-vous nous parler de votre processus créatif, (composition, choix du médium, du format, modèles…) ?

    Ce ne sont pas des espaces qui existent à proprement parler, mais en réalité lorsque l’on parle de création imaginaire, il ne s’agit jamais d’un imaginaire pur, il provient toujours de ce que l’on reconnaît, de ce que l’on a vu quelque part. Ce sont parfois des espaces que j’ai vus, des formes que j’ai reconnues, des compositions qui m’ont inspirée mais souvent recomposées de manière plus abstraite. Souvent, je crée un brouillon avec seulement les lignes fortes. Je définis ce qui va fermer et ce qui va ouvrir le tableau ainsi que les différents points de fuite qui vont créer des dynamiques, des dissonances.

    S’agissant des modèles, ils sont filmés dans des espaces complètement neutres. Parfois je vais retravailler un personnage à partir de plusieurs poses différentes et le placer dans l’espace. Quant au format, je préfère les formats assez grands et immersifs afin de créer un rapport à l’échelle humaine et un espace qui semble s’ouvrir devant les yeux des gens qui le voient. Sur les formats plus petits, enfin qui m’apparaissent petits mais qui sont en réalité relativement grands, je vais peut-être davantage chercher à poser la figure et voir comment créer une dynamique avec les lignes du tableau.

    Le medium a toujours été la peinture à l’huile par rapport au travail de la couche qui est très important pour moi. La peinture à l’huile est la plus adaptée : elle offre la possibilité de pouvoir travailler sur des couches diluées ou plus en épaisseur.

    Pourquoi cet intérêt pour les espaces intérieurs ? Qu’est-ce qu’évoque pour vous l’intimité de l’habitation ?

    Je dirais parce qu’il y a quelque chose d’assez universel dans la manière dont on représente le foyer. Même si culturellement il y a des variations, le séjour, la chambre, la salle d’eau ont des représentations qui sont partagées et que l’on identifie assez facilement. Pour parler de certains sujets, y compris de la question de la créolisation, de l’identité, je n’avais pas forcément envie de choisir des paysages de Guyane par exemple car je pense que tout de suite ce serait perçu comme exotique. L’exotique finalement ce n’est que la distance entre le sujet et celui qui le voit mais ce n’est pas ce qui m’intéresse.

    J’aimerais vraiment que dans les espaces que je crée il y ait quelque chose qui semble familier. J’aime composer des espaces avec des éléments variés mais qui ramènent toujours à une expérience vécue.

    Vous accordez une grande place à la végétation et à la nature dans vos toiles, quelle relation entretenez vous avec la nature?

    Avec la végétation ce qui est intéressant dans différentes peintures, notamment celle que l’on voit ici [Living room n°8, 2021, huile sur toile, 195×260 cm], c’est le fait de choisir différents types de végétation. Il y a des végétations que l’on identifie comme étant des végétations domestiques, qui font partie de l’intérieur. En la combinant avec, au contraire, une végétation beaucoup plus luxuriante, beaucoup plus sauvage, cela crée cette distinction. Cette sorte de dichotomie entre ce qui est intérieur et ce qui est extérieur traverse mes peintures. L’impression de voir des espaces intérieurs tout en identifiant des éléments qui relèvent de l’extérieur est caractéristique de nombreuses de mes peintures.

    La végétation m’intéresse pour créer cette espèce de trouble dans la narration mais aussi pour aborder de la question de l’environnement. Le foyer, l’espace intérieur, peut-être appréhendé comme une sorte de microcosme. C’est peut-être à cette échelle là que l’on commence à aborder cette relation à l’environnement. Mais de manière plus large, C’est aussi la végétation qui permet d’illustrer notre relation à la Nature.

     

    Atelier de Johanna Mirabel, Villa Belleville, Paris
  • Rencontre avec Gopal Dagnogo

    Rencontre avec Gopal Dagnogo

    Rencontre avec Gopal Dagnogo

    Quel est votre processus créatif ? Comment composez-vous vos toiles? Qu’utilisez-vous pour créer ?

    Lorsque je crée il s’agit avant tout de m’amuser. J’aime laisser place au hasard : je commence par peindre un fond en improvisant, ensuite j’observe et je recherche comment l’exploiter. J’aime l’immédiateté de la peinture. La sculpture ce n’est pas le même rapport à l’espace et au temps, ce n’est pas non plus la même énergie. Les processus de création en sculpture sont beaucoup plus lents. J’ai expérimenté cela lorsque je travaillais le bronze au Burkina Faso. Or ma démarche artistique obéit à une forme d’urgence. C’est pourquoi la peinture acrylique est idéale.

    Les animaux de basse-cour, le mobilier ou certains produits de consommation sont des motifs qui apparaissent fréquemment dans votre œuvre, pourquoi choisissez-vous ces objets en particulier ?

    Grandir en Afrique c’est être immergé dans un environnement où les animaux sont présents, jusque dans les centre-villes. À Abidjan, il est commun de rencontrer des poules au détour d’une rue, même dans les quartiers chics. Ces animaux appartiennent au décor. J’aime les intégrer à mes compositions aux côtés d‘éléments qui évoquent un univers plus bourgeois. Cela produit l’impression de désordre qui est caractéristique de mes œuvres. C’est aussi une référence à la catégorie de personnes nouvellement riches qui, en Afrique, manifestent leur réussite économique tout en conservant un mode de vie plutôt caractéristique des milieux populaires et ruraux. […]

    Le mobilier que je peins renvoie à cet imaginaire bourgeois. En Afrique particulièrement, j’ai remarqué que, dès que l’on accède à un certain niveau social, les meubles style empire ou les copies de meuble Louis XVI sont la référence.

    Posséder ce style de meubles, c’est un moyen de montrer sa richesse. Pour moi, il s’agit aussi d’une manifestation de l’aliénation coloniale. En effet, pendant plusieurs siècles, les cultures ont été étouffées par une culture venue d’ailleurs qui a imposé de nouvelles représentations. J’observe néanmoins qu’une volonté de renouer avec la tradition s’affirme de plus en plus. Il s’agit en quelque sorte d’un retour vers soi-même qu’il ne faut pas voir comme un repli ou un enfermement mais simplement comme une réappropriation de ses valeurs et de sa culture.

    Pour ce qui est des objets de consommation, je souhaite rendre un hommage à la banalité du quotidien en peignant ces natures mortes. Aujourd’hui nous vivons dans une société où l’on ne prête plus attention aux choses : on prend, on jette et on continue. Moi je donne une place à ces objets dans mes toiles.

    Gopal Dagnogo, Salon fleuri, 2021
    Lorsque je crée il s’agit avant tout de m’amuser. J’aime laisser place au hasard : je commence par peindre un fond en improvisant, ensuite j’observe et je recherche comment l’exploiter. J’aime l’immédiateté de la peinture.
  • Rencontre avec Najia Mehadji

    Rencontre avec Najia Mehadji

    Rencontre avec Najia Mehadji

    La grande vitalité qui transparaît des Lignes de vie est une réponse à la période marquée par la crise sanitaire où la vie fut limitée. Pouvez-vous nous expliquer davantage votre démarche?

    Les œuvres que j’ai commencées à peindre en 2020 sont les Lignes de vie. J’ai choisi ce nom en opposition à l’omniprésence de la mort qui s’imposait à nous à travers le décompte des décès annoncé quotidiennement dans les médias. C’était inédit dans le cadre d’une épidémie et un climat extrêmement anxiogène s’est instauré. Les gens avaient peur, soudainement c’était comme si une chape de plomb s’était abattue sur le monde.

    Alors, pour faire face à cette ambiance, j’ai eu l’envie de proposer quelque chose de très vivant et rythmé, à l’inverse de la mort. Ce travail a accompagné toute cette période. Initialement la ligne était continue, très sinueuse mais progressivement elle s’est morcelée en fragments qui se touchent à peine. Chaque fragment renvoie à un mouvement du corps et de l’esprit. Dans une certaine mesure, ce travail fait écho aux Mystic dances que j’ai faites précédemment et qui ont été exposées à la Philharmonie de Paris. Mais cette fois-ci, il ne s’agit pas d’une danse mystique mais plutôt d’une danse optimiste qui indique que la vie se poursuit. Elle invite à espérer. Loin de l’idée d’attente et de passivité, mes lignes rendent hommage aux personnes malades qui se battent et aux soignants qui ont accompli un travail extraordinaire pour sauver des vies. Certaines de mes peintures évoquent explicitement cette solidarité: les segments de ligne qui se frôlent sont semblables à des individus qui se donnent la main. Chaque geste dessine un corps prenant place dans une ronde. On peut y voir un clin d’œil à Henri Matisse mais, dans mes toiles, le lien humain est plus important que la danse elle-même.

     

    Selon vous, dans quelle mesure l’œuvre traduit l’engagement de l’artiste?

    Mes dernières œuvres sont extrêmement lumineuses mais trouvent leur origine dans l’angoisse de cette période là. Ici encore, je pense à Matisse car son œuvre est connue pour être joyeuse. Pourtant l’artiste était en réalité désespéré et anxieux. Lorsqu’il a réalisé les planches de gouaches découpées qui composent Jazz, il était en fait extrêmement malade. Incapable de dessiner ou de peindre, il inventa cette nouvelle technique pour continuer à créer malgré tout. Selon moi, les artistes qui créent des œuvres lumineuses sont très engagés. Parfois, ils sont même plus engagés que certains artistes qui abordent des sujets graves pour les dénoncer. Bien sûr, il y a des choses à dénoncer dans la société mais je trouve qu’apporter une forme de réconfort à travers son œuvre, c’est déjà une forme de résistance. Choisir de peindre la joie contre la morosité qui nous accable, c’est pour moi une forme de courage. C’est ce que je souhaitais faire avec les Lignes de vie. Il n’est pas question de légèreté pour autant car j’aimerais que ces toiles suscitent la réflexion. Les lignes invitent à une immersion dans un mouvement, dans une couleur et transmettent des émotions. Néanmoins, comme mes œuvres sont très ouvertes, elles laissent libre court à l’imagination du regardeur. Chacun produit son interprétation, c’est essentiel dans ma conception de l’art. Je sais ce que je mets dans mon œuvre mais je ne sais pas ce que les gens reçoivent.

    Najia Mehadji dans son atelier
    Les lignes invitent à une immersion dans un mouvement, dans une couleur et transmettent des émotions. Néanmoins, comme mes œuvres sont très ouvertes, elles laissent libre court à l’imagination du regardeur. Chacun produit son interprétation, c’est essentiel dans ma conception de l'art. Je sais ce que je mets dans mon œuvre mais je ne sais pas ce que les gens reçoivent.

    Mes dernières œuvres sont à la fois une ode à l’amour, à la liberté et à la résistance. Ces œuvres racontent que l’humain peut toujours rebondir, que même dans les moments difficiles de la vie, il y a des possibilités de s’en sortir. En fait, c’est une ode à l’espoir. J’espère que ce message est perçu. Néanmoins, ce n’est pas uniquement de l’ordre de la perception, j’aimerais que mon travail surprenne. Je veux apporter quelque chose que l’on a pas l’habitude de voir. C’est le résultat d’un travail gestuel inédit car il se situe entre la danse et la calligraphie. Il ne s’agit pas de signe, rien à voir avec l’écriture.

    Pourtant c’est une écriture du corps qui vient du plus profond de l’être que j’essaie de retranscrire. Elle dépend du souffle, d’un état d’esprit. Ces œuvres sont comme des performances : quand je travaille, il faut d’abord que je me mette dans un état de concentration et de disponibilité afin que la peinture soit vraiment autonome. Je laisse la couleur s’exprimer à travers le geste que je ne maîtrise plus. La liberté pour l’artiste c’est aussi ça : laisser les choses se faire sans volonté d’aboutir à un résultat prédéfini. C’est en cela que ma peinture est une forme de performance car lorsque je suis en face de la toile je ne sais pas ce qu’il va arriver. Je sais qu’il va se produire quelque chose car les conditions sont réunies mais le résultat est toujours inattendu. Mon ode à la liberté est aussi une ode à la liberté de créer de cette façon là.

  • Rencontre avec Olga Yaméogo

    Rencontre avec Olga Yaméogo

    Rencontre avec Olga Yaméogo

    Comment est né votre intérêt pour l’art?

    Je crée depuis l’enfance mais je ne considérais pas cela comme de l’art à l’époque. Dessiner, peindre étaient des activités récréatives. J’ai eu de la chance car, étant en Afrique, ce ne sont pas tous les parents qui auraient calmé une enfant très active et turbulente en lui proposant des activités créatives et en lui donnant du matériel. Mon univers a toujours été entouré par la création.

    Comment définiriez-vous l’artiste?

    J’ai mis du temps à me penser comme artiste. Avec du recul et de l’expérience, je dirais que c’est le regardeur qui fait l’œuvre. Je ne me suis jamais considérée comme une artiste avant cette confrontation avec le public. C’est à travers le regard de l’autre que j’ai pu considérer mes créations comme des œuvres d’art.

    Vos modèles sont souvent des personnes de votre entourage, pourtant votre œuvre dépasse le caractère personnel pour aborder des sujets plus larges tels l’immigration; l’identité, etc? Comment parvenez-vous à donner au portrait un caractère universel ?

    j’ai toujours travaillé par série. J’ai d’abord initié des travaux sur l’identité car cette thématique faisait écho aux questionnements que j’avais. En effet, je me suis beaucoup interrogée sur ma place, je souhaitais aussi me définir par rapport à mon histoire familiale. Dans la continuité de mes travaux sur l’identité, j’ai ensuite abordé le thème de l’immigration. C’est un sujet auquel nous sommes malheureusement régulièrement confrontés puisque les migrations et les tragédies qui les accompagnent font régulièrement la une de l’actualité. Ainsi nous avons tous conscience de ces réalités. Mais pour moi cela me renvoie également à ma propre immigration. Tout comme moi, ces migrants quittent le continent africain pour l’Europe mais leurs conditions de voyage sont différentes. Ceux qui parviennent à atteindre l’Europe en échappant à la mort doivent ensuite affronter d’autres difficultés pour se créer une place ici. Le voyage est très difficile et l’intégration l’est aussi.

    Pour me faire une place dans la culture occidentale, il m’a fallu du temps. Aujourd’hui cela m’apparaît comme un enrichissement. C’est pourquoi la thématique de la migration puis celle de la rencontre des cultures m’ont beaucoup inspirée. Elles résonnaient en moi et étaient liées à mon expérience personnelle.

    La série de portraits de mes proches que je présente à AKAA renvoient à la période du Covid. Pour ma part, durant ces confinements je me suis renfermée sur moi-même afin de me protéger et de protéger les gens que j’aime. Dans ce contexte d’isolement, où les activités et la vie sociale étaient limitées, nous nous sommes recentrés sur la famille. Nous étions proches émotionnellement mais il était impossible de rendre visite à ces personnes qui nous sont chères car nous avions peur d’être dangereux pour elles. Ainsi, mon travail sur le portrait que je mène depuis deux ans est né de cette solitude et de l’attention particulière accordée à mes proches. C’était pour moi une question de survie.

    Olga Yaméogo dans son atelier
    Pour me faire une place dans la culture occidentale, il m’a fallu du temps. Aujourd’hui cela m'apparaît comme un enrichissement. C’est pourquoi la thématique de la migration puis celle de la rencontre des cultures m’ont beaucoup inspirée. Elles résonnaient en moi et étaient liées à mon expérience personnelle.

    Vous représentez souvent des femmes à travers vos portraits, pourquoi? Quelles images de celles-ci souhaitez-vous renvoyer?

    Ce n’est pas une image particulière que je souhaite renvoyer mais davantage une façon de me projeter dans mon travail. J’ai été élevée par une mère seule avec cinq filles et un garçon. Aujourd’hui J’ai peu d’amies filles car j’ai plus d’affinités avec les garçons mais les femmes sont tout de même très présentes dans mon entourage. Ce qui m’intéresse c’est la capacité d’introspection qu’elles ont souvent.

    Selon vous, quelle place occupe l’identité de l’artiste dans son œuvre?

    Lorsque l’on crée on peut se libérer et être soi-même. Mon identité est multiple, elle est franco-africaine car j’ai grandi au Burkina Faso et ma vie de femme adulte est française. Je suis riche de cela. J’ai construit au cours de mon parcours une certaine manière d’être au monde qui peut se ressentir dans mon travail. Je n’aime pas être enfermée et je pense que l’art me permet d’être moi-même.

  • Rencontre avec Clay Apenouvon

    Rencontre avec Clay Apenouvon

    Rencontre avec Clay Apenouvon

    En accord avec votre recherche plastique, vos œuvres trouvent leur origine dans la matière. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

    C’est important de commencer par la matière. Il s’agit d’un travail visuel mais qui ne peut exister sans la matière. C’est lorsque la matière incarne des idées que l’œuvre d’art est créée. Dans mon travail particulièrement, la transformation de la matière est centrale et fait partie du processus de création. On peut notamment mesurer l’importance que j’accorde à la matière dans la façon dont j’utilise le film noir lors de mes récentes performances réalisées en 2019 telles que IN/CONTRO au théâtre Le Tarmac où toute la scénographie était basée sur le film noir et IN/TRANSITO pour laquelle j’avais ajouté un très grand cadre fait de couvertures de survie. Ces performances nécessitent de grandes quantités de matière mais ce sont des travaux éphémères. Une fois terminées, les matières redeviennent des déchets plastiques mais je ne peux pas les jeter. C’est pourquoi je les ramène à l’atelier et j’explore les propriétés du matériau pour créer un support qui servira de base à de nouvelles œuvres d’art plus pérennes. Tous les éléments utilisés lors de mes performances ont été chargés de significations et se réincarnent dans d’autres œuvres pour contenir d’autres idées.

    Je cultive toujours la même matière en lui donnant des formes différentes. C’est à partir du support que j’obtiens que j’imagine ensuite l’œuvre en y ajoutant ma pensée. Le message varie selon la forme de la matière mais chaque œuvre est un fragment de mon discours.

    Pour la première fois vous intégrez le dessin à votre travail et vos œuvres comportent une dimension figurative plus affirmée, pourquoi ?

    Dans la création artistique, je suis libre d’aller où je veux et de ne pas m’enfermer dans l’abstraction. De plus, pour moi il n’y a pas de frontière entre l’abstraction et le figuratif. L’œuvre est figurative lorsque l’on peut identifier immédiatement la forme représentée. Lorsque je fais de l’abstraction, je recherche la profondeur de la matière donc l’abstraction peut être interprétée comme un approfondissement du figuratif, elle serait alors une façon d’entrer dans la forme. Je pense que l’artiste qui est capable d’entrer dans la forme et de représenter l’intérieur peut également représenter cette forme.

    C’est important de commencer par la matière. Il s’agit d’un travail visuel mais qui ne peut exister sans la matière. C’est lorsque la matière incarne des idées que l’œuvre d’art est créée. Dans mon travail particulièrement, la transformation de la matière est centrale et fait partie du processus de création.

    D’où vient le titre de la série Un Noir à l’ombre et pourquoi avez vous avez choisi de représenter des proches puis Mohamed Ali ?

    Tout a pour origine cette matière composée d’une face noire et d’une face dorée. Je travaille sur le doré mais sous la surface il y a le noir or c’est du noir que provient la lumière. J’y ai vu une métaphore de moi et de mon travail. C’est pourquoi j’ai d’abord choisi de faire mon autoportrait. C’était une forme d’introspection : il s’agissait d’aller à l’ombre de la lumière pour retrouver le noir.

    Dans cette série, en représentant un Noir à l’ombre, c’est aussi une façon pour moi de rappeler que souvent dans nos sociétés comme dans l’historie, les noirs ont été invisibilisés. Beaucoup d’africains ne connaissent pas leur histoire car celle-ci a été passée sous silence.

    Le titre de la série est une référence à l’ouvrage Un Noir à l’ombre de Eldridge Cleaver. J’ai beaucoup aimé ce livre, particulièrement les passages qui traitaient de l’instrumentalisation du corps noir dans le sport aux Etats-Unis. L’auteur explique que ce corps était associé à la force et qu’il était considéré comme une sorte de machine incapable de penser. Puis Classius Clay est arrivé et a prouvé que le corps du sportif était aussi doté d’un grand esprit. Ce champion s’est illustré pour ces combats sportifs mais également pour ses combats politiques et son engagement. Il a toujours été un modèle pour moi. C’est un personnage très inspirant, et bien que n’ayant pas sa force, j’essaie d’avoir sa détermination et d’être un champion dans mon domaine. Mon nom Clay m’a d’ailleurs été donné en hommage à Classius Clay qui était très apprécié par mes parents.

    La boxe est une belle métaphore de la vie car, comme sur le ring, exister est d’abord un combat individuel. Une équipe peut être derrière toi pour te soutenir mais le combat se mène seul. Il faut d’abord être fort individuellement pour pouvoir l’être avec les autres : l’union fait la force lorsque chacun la détient déjà personnellement. La notion de mental dont on parle dans le domaine sportif s’applique également au combat de la vie, il faut s’affirmer pour exister.